Francine Migner, artiste contemporaine.
Entrevue par Jacqueline Séguin, le 8 juin 2011

C’est par un bel après midi de printemps, plus près de l’été une journée exceptionnelle, avec un soleil mur-à-mur, que j’ai rencontré madame Migner. Nous avions rendez-vous, elle et moi. Elle m’attendait dans sa maison située dans un croissant de la banlieue de Brossard, près d’un magnifique parc. Me voilà devant cette belle maison, dont l’extérieur est décoré de fleurs et de plantes exotiques digne d’un maître horticulteur. Après l’entrevue, elle était très fière de me dire que sa fille, horticultrice a fait tout le travail, elle aussi est une artiste.

Aujourd’hui, c’est la femme qui m’accueille en me disant c’est ici que Pierre et moi demeurons depuis quarante ans, Pierre c’est l’homme de sa vie, et c’est ici que nous avons élevé nos trois enfants. C’est un endroit privilégié, presque la campagne. L’intérieur de la maison est lumineux, il respire la joie et l’art de vivre. Elle me conduit à sa cuisine et me présente son mari Pierre, son accueil est aussi très chaleureux. L’artiste est radieuse en me parlant de sa nichée d’oiseaux, des merles dont la maman apporte à manger à ses petits, un ver encore tout frétillant dans son bec.

Cette rencontre m’a permis de constater que l’artiste s’émerveille toujours de la beauté de la nature et de la vie, surtout au printemps. C’est probablement la source de son inspiration. Ainsi, dans cette ambiance très détendue nous débutons l’entrevue. Mme Migner est née à Montréal où elle a fait toutes ses études universitaires, et elle y a vécu jusqu’en 1970. Lorsque la maman était à la maison avec ses enfants, elle pratiquait le point de tapisserie sur canevas et s’inscrivait à des cours et à des  ateliers de tissage de haute-lisse.

En 1983, elle entreprend des cours de peinture au Collège Notre-Dame avec le Frère Jérôme qui a été son premier mentor. Sous sa tutelle, elle était encouragée à produire et à exposer ses œuvres. Sa première exposition, La Femme vue par les Femmes eut lieu à la galerie du professeur. Jérôme lui répétait souvent qu’il faut digérer la technique à travers l’instinct. C’est un conseil qu’elle a suivi toute sa vie. Il était un excellent professeur qui passait l’intérêt de ses étudiants avant tout. Le Frère Jérôme lui a aussi enseigné la gestuelle et l’abstraction lyrique de Paris. Chef-de-file. il acceptait plein de nouveaux étudiants dans ses classes. Le Frère Jérôme est décédé, le 30 avril 1994. On a trouvé un billet sur sa porte qui disait, S’il vous plait ne pas me déranger, je suis occupé à mourir. C’est l’artiste qui me l’a raconté).

Par la suite, Francine Migner a quitté ce mouvement pour explorer de nouvelles techniques, ses tableaux étaient des abstractions, elle traitait la couleur en dessin et en peinture, elle a renouvelé son langage pictural et découvert les trois dimensions. C’est à ce moment qu’elle a fait la connaissance de Pierre Granche et Peter Krausz, deux professeurs qui enseignaient à l’Université de Montréal au département des Arts Visuels. Ils ont été ses mentors. C’est grâce à eux qu’elle a pu expérimenter l’installation. Francine Migner - Retour aux sources

Mme Migner a fait une Mineure en arts plastiques et multiples cours de peinture. Elle a aussi étudié la photographie et la peinture avec Serge Tousignant à l’Université de Montréal ; elle était curieuse et passionnée de tout ce qui était Art et l’est toujours.

L’artiste a poursuivi sa carrière en entrant au Centre d’Art Saidye Bronfman en1985 où elle a travaillé sous la direction de Ghitta Caiserman Roth dans des ateliers intensifs : les autoportraits et le dessin mythique. Elle a suivi d’autres ateliers, comme la gravure avec ce professeur, d’ailleurs celle-ci est devenue son mentor. Elle a fait sa connaissance avant l’université. Ainsi par l’entremise de madame Caiserman-Roth, Francine Migner a côtoyé Françoise Sullivan, cette dernière était une amie Betty Goodwin. Pour madame Migner ce fut une expérience enrichissante, parler de la série des nageurs de Goodwin ou et de la carrière de Sullivan au moment du Refus Global de Sullivan n’est plus un secret pour elle maintenant. Madame Migner a été bien encadrée et bien guidée par ses professeurs. D’ailleurs,  elle parle de cette période avec beaucoup de reconnaissance.

Madame Migner a obtenu son Baccalauréat en Arts et en Lettres en 1991 à L’Université de Montréal. Depuis ce temps, elle a participé à de nombreuses expositions de groupe et Biennales. Sa carrière est florissante : Elle a présenté ses œuvres en solo à plusieurs maisons de la culture, galeries de différentes villes incluant Montréal, ses banlieues et à l’extérieur. Ses œuvres se retrouvent dans des Collections de grande valeur.

Alors, je lui demande où commence le processus de création, elle me dit : Quand je débute, je cherche une inspiration qui doit me mener à choisir des objets, des matériaux avec lesquels je vais entreprendre une nouvelle aventure. Je ne sais pas où ça va me mener mais je devrai l’assumer, j’ai la responsabilité de ma création. Elle dit aussi que sa toile ne doit jamais être saturée pour laisser passer la lumière et apprécier les couleurs. Ses dessins et collages sont souvent des mises en abyme, un dessin dans un dessin. Ils doivent respirer la transparence.

Le cercle, le demi-cercle est son leitmotiv et le médaillon pour relier les motifs. Elle espère toujours découvrir une profondeur qui ne finit jamais. À cela elle ajoute, il faut que la composition se tienne, que la structure soit respectée. Quand son pinceau dépose les pigments sur la toile, c’est son intuition qui la guide et l’adrénaline lui fournit l’énergie nécessaire à la dynamique du tableau. Lorsque je l’ai questionné sur l’espace du tableau, elle m’informe ainsi, Je prends possession de tout l’espace particulièrement dans mes installations, in situ. Celles-ci me restreignent parfois à cause de leur dimension réduite, mais c’est un nouveau défi à relever : C’est Pierre Granche qui m’a dit un jour, N’aie pas peur de prendre possession de l’espace.

Maintenant, Francine Migner est pluridisciplinaire, l’installation est devenue son fer de lance. C’est avec ces pratiques mixtes que je fais le plus grand nombre de découvertes. Elle associe l’art à la science : On a qu’à se laisser guider par le fil conducteur de notre création.

Au cours de cette rencontre, elle m’a aussi invitée à visiter sa maison, j’ai eu droit à son intimité picturale je crois que peu d’artistes seraient prêts à le faire. Elle m’a montré sa dernière toile, une acrylique dont le titre est Retour aux sources, 2011.  C’est un tableau très significatif de son cheminement. C’est une grande toile (48 x 40 pouces), une abstraction comme au début de sa carrière. Il y a un rectangle dans le rectangle, ses formes géométriques occupent l’espace et apportent le mouvement au tableau. Les flaques de peinture rouge qu’elle a sculptées avec ses mains d’ailleurs, laissent des empreintes de sa structure sur toute la toile. Le langage écrit par les lignes noires, d’encre ou de pigments, atténue les taches vertes, jaunes pour accueillir l’émotion laissée par les pigments rouges. C’est une toile qui est forte par sa composition spontanée et son dynamisme. On ne peut pas être indifférent devant un tableau aussi coloré, aussi vibrant et au langage pictural aussi profond.

J’ai beaucoup apprécié cette entrevue avec Francine Migner. C’est  une femme intelligente, professionnelle, attentive et réceptive qui maîtrise très bien son art. Elle est une valeur inestimable pour la colonie artistique et l’art de la peinture, de la sculpture et de la gravure.

Au temps de Pollock, on a dit que l’Art allait mourir, ceci n’arrivera pas, tant qu’on aura des artistes comme Francine Migner qui sont prêts à se battre pour faire avancer les choses, il faut garder l’espoir.


Jacqueline Lemay Séguin



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